Les hypersensibilités alimentaires

Une personne peut être allergique ou intolérante à un large éventail de substances. Parmi celles-ci, les aliments sont fréquemment incriminés. Les allergies et les intolérances alimentaires posent un problème important de santé publique car on les rencontre à tous les âges. De plus, leur fréquence semble augmenter. Elles sont également parfois difficiles à diagnostiquer.

Selon l’aliment et l’individu, les allergies et les intolérances alimentaires peuvent provoquer des réactions variables, parfois très sévères, voire fatales dans certains cas.

La gestion de ce risque représente une difficulté quotidienne pour les patients et leur entourage (connaissance des produits, lecture des étiquettes, choix des plats lors de repas au restaurant ou à la cantine…).

Au départ de notions théoriques et de quelques exemples de substances pouvant causer des symptômes (protéines de lait, lactose, œuf, arachide, fruits à coque, céleri, sulfites, lupin et moutarde), ce site a pour objectif d’aider les personnes allergiques et intolérantes, ainsi que leurs proches, à mieux comprendre et gérer leur affection. Bien entendu, ces informations ne remplacent aucunement les professionnels de la santé, qui sont les seuls aptes à établir un diagnostic précis (médecin) et à adapter l’alimentation aux besoins de chacun (diététicien(ne)).

Le CIRIHA met également à votre disposition des brochures et dépliants gratuits sur les allergies et intolérances alimentaires.

 

 

 

L’allergie aux fruits à coque

Même si selon certains, l’allergie aux fruits à coque semble rester stable, la prévalence se situant aux environ des 0,5%, ils font partie des aliments qui causent le plus de réactions anaphylactiques fatales. L’allergie aux fruits à coque est d’autant plus grave qu’elle semble persister à l’âge adulte.

De plus, les réactions croisées et/ou associées entre les différents fruits à coque, l’arachide et d’autres végétaux (comme par exemple le pignon de pin, le sésame) sont fréquentes. Ce qui implique la recherche d’une sensibilisation à d’autres allergènes lorsqu’une allergie à un de ceux-ci est détectée.

Actuellement, aucun procédé technologique ne permet de supprimer totalement l’allergénicité des fruits à coque.

L’allergie entraîne de lourdes conséquences sociales et nécessite donc un diagnostic précis. En effet, l’interprétation des résultats doit tenir compte des différents tests réalisés ainsi que de l’histoire clinique du patient.

Le seul traitement de l’allergie alimentaire consiste en l’éviction de l’allergène. Pour que celle-ci soit efficace, une éducation du patient semble capitale. En effet, une bonne connaissance de l’allergène, de l’étiquetage et de la composition des produits alimentaires par le patient et sa famille est essentielle ; sans oublier la connaissance du traitement à suivre en cas d’ingestion accidentelle.

 

 

 

 

 

 

L’allergie à l’arachide

L’arachide, Arachis hypogaea, est une légumineuse riche en protéines (30%). On la retrouve un peu partout dans notre alimentation mais également dans de nombreux produits non alimentaires tels que les cosmétiques et les denrées pour animaux de compagnie.

L’allergie à l’arachide est une allergie de type I caractérisée par deux phases, une précoce et une tardive, cette dernière pouvant avoir lieu plusieurs heures après la première. Cette allergie survient plus fréquemment chez les enfants, bien qu’elle existe également chez l’adulte. Les conséquences sont d’ailleurs plus sévères chez l’adulte que chez l’enfant. Il s’agit d’une allergie persistante : seuls 20% des enfants développent une tolérance en grandissant. Onze allergènes ont été identifiés, parmi lesquels 4 sont considérés comme des allergènes majeurs. Il s’agit des allergènes Ara h 1, 2, 3 et 6. En ce qui concerne la sensibilisation à l’allergène via l’alimentation de la mère (grossesse et allaitement), aucune étude n’a jusqu’à présent pu prouver scientifiquement une relation avec la prévalence de l’allergie à l’arachide.

Les données de prévalence varient d’une étude à l’autre : certaines études affirment qu’elle est en augmentation ces dernières années, alors que d’autres parlent de stagnation. Par ailleurs, la plupart des études portent sur les enfants et peu de données sont disponibles concernant les adultes. Etant donné les différences méthodologiques constatées pour l’obtention des résultats, il est difficile de pouvoir tirer des conclusions. Il semble toutefois qu’elle avoisine les 1%. Le problème est semblable en ce qui concerne la détermination des doses réactogènes. Les méthodes utilisées, les populations testées, les doses administrées, etc. sont des facteurs qui varient beaucoup d’un protocole à l’autre, rendant les comparaisons entre résultats difficiles. De plus, étant donné les risques sévères liés à cette allergie, on ne peut tester les patients susceptibles de présenter une réaction anaphylactique. Ainsi, les doses les plus faibles enregistrées peuvent varier fortement d’un support à l’autre (farine d’arachide, protéines, cacahuètes entières). Il est donc actuellement impossible de définir une dose exacte pour la population.

Au niveau des manifestations, il s’agit d’une des allergies les plus sévères. Elle touche plusieurs systèmes (respiratoire, cutané, cardio-vasculaire, digestif, etc) et peut entraîner une réaction anaphylactique menant parfois au décès. Les symptômes les plus couramment constatés sont cutanés. Le gold standard du diagnostic de l’allergie est le test de provocation. Il est cependant plus long, plus cher et plus risqué pour les patients que les prick tests ou le dosage des IgE spécifiques, qui ont par contre une valeur prédictive positive plus faible. Mais quelle que soit la méthode utilisée, il est indispensable de récolter l’histoire clinique du patient. La prise en charge du patient allergique à l’arachide repose encore actuellement sur l’éviction totale de l’allergène, se traduisant par un régime alimentaire souvent très strict. Ce traitement est cependant de plus en plus discuté au vu de la balance bénéfice-risque d’un tel régime. La plupart des auteurs recommandent de l’adapter au cas par cas afin de réduire au maximum la difficulté d’un régime aussi strict et de réduire son impact sur la qualité de vie du patient. Le traitement d’urgence de la réaction anaphylactique est l’administration d’une injection d’épinéphrine (deux injections sont parfois nécessaires), le plus rapidement possible dès l’apparition des symptômes. Il peut être associé à des corticostéroïdes et des antihistaminiques. Le patient devra rester plusieurs heures en observation dans une structure médicale adaptée, à cause du risque de réaction biphasique. Une seconde réaction peut en effet survenir plusieurs heures après la réaction initiale.

L’allergie à l’arachide peut présenter des réactions croisées avec le lupin, le soja, les pois, les aliments de la famille des fruits à coque, ainsi que le pollen de bouleau. Certains cas de réactions croisées ont également été constatés entre l’arachide et les graines d’agrumes.

Les procédés technologiques influencent l’allergénicité de l’arachide. Tout d’abord, au niveau du grillage des graines. Il a en effet été démontré que ce procédé augmente fortement le pouvoir allergénique des graines d’arachide, ce qui n’est pas le cas de la friture ou lorsqu’elles sont bouillies. L’allergénicité est réduite sous l’action d’autres procédés, tels l’action d’acides, d’ions, de champs électriques ou encore d’enzymes. Aussi, le potentiel allergénique des huiles est influencé par les procédés : l’huile d’arachide raffinée semble être à moindre risque pour les personnes allergiques, car elle ne contient –presque- plus de résidus protéiques. Par contre, ce n’est pas le cas pour l’huile brute ou l’huile pressée à froid, qui contient encore une certaine quantité de protéines, suffisante pour induire une réaction chez les patients sensibles. La prudence reste recommandée chez tous les patients allergiques à l’arachide.

L’arachide fait partie des substances à déclaration obligatoire en matière d’étiquetage alimentaire. La législation a cependant ses limites, par exemple en ce qui concerne les denrées non préemballées. Par ailleurs, rien n’y est mentionné à propos de la procédure à suivre en cas de risque de contamination croisée.

Enfin, l’impact de l’allergie à l’arachide sur la qualité de vie des patients est assez important, non seulement pour les patients eux-mêmes, mais également pour leurs proches et leur entourage.

 

 

 

 

 

 

L’intolérance aux sulfites

L’anhydride sulfureux et les sulfites sont largement utilisés dans les industries agroalimentaires, pharmaceutique, cosmétique, photographique… notamment pour leur action antioxydante. En tant qu’additifs alimentaires, on les retrouve dans de nombreuses denrées.

Les mécanismes d’action des réactions secondaires indésirables aux sulfites sont encore incertains et les symptômes de ces réactions sont variables et dépendent du type d’exposition (orale, respiratoire ou cutanée) : urticaire, angio-œdème, asthme, anaphylaxie, dermatite de contact ou irritation...

L’allergie de contact au métabisulfite de sodium a rarement été décrite ; la plupart des cas rapportés étaient dus à une exposition professionnelle. Les cas d’expositions non-professionnelles (« non-occupational ») sont dus à certains médicaments, dont les préparations anesthésiques, les anti-hémorroïdes, les glucocorticoïdes et les crèmes antifungiques.

La prévalence exacte des réactions indésirables aux sulfites n’est pas connue, mais il a été observé qu’elles sont plus fréquentes chez les patients asthmatiques, en particulier lorsqu’ils sont traités à l’aide de corticoïdes.

Il n’y a pas de méthode standardisée pour diagnostiquer une hypersensibilité aux sulfites, mais des tests cutanés et de provocation orale peuvent être réalisés. L’histoire clinique joue un rôle particulièrement important dans la détection des éléments déclencheurs des réactions aux sulfites.

Compte tenu de la fréquence des réactions secondaires indésirables aux sulfites et l’usage répandu des sulfites dans les aliments et boissons, les médicaments, les cosmétiques ainsi que de nombreux procédés technologiques, les cliniciens devraient être conscients de ces manifestations et des différentes sources possibles dans l’élaboration de leurs diagnostics.

Afin de prévenir les réactions indésirables aux sulfites, les patients devront éviter l’exposition aux substances incriminées, que l’exposition soit orale, cutanée ou respiratoire. Dans le cas de réactions aux sulfites alimentaires, le régime d’éviction sera possible grâce au repérage des sulfites en tant qu’additifs sur l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées. En effet, la législation (européenne et belge) impose que l’anhydride sulfureux et les sulfites, dès qu’ils sont présents en concentrations de plus de 10 mg/kg ou 10 mg/litre exprimées en SO2, soient indiqués sur l’étiquetage lorsqu’ils sont volontairement mis en œuvre et sous n’importe quelle forme.

 

 

 

 

 

 

Allergie au céleri

Le céleri, Apium graveolens, est une plante de la famille des Apiacées ou Ombellifères. Cette famille comporte également la carotte, le fenouil, l’aneth, le persil, l’anis, le cumin, la coriandre, le cerfeuil, etc.  Trois formes de céleri sont couramment cultivées : le céleri-branche ou céleri à côtes (A. g. dulce), le céleri-rave (A. g. rapaceum), le céleri à couper ou petit céleri (A. g. secalinum). Ce légume peut se retrouver dans les aliments sous diverses formes (tel quel, en poudre, graines de céleri, sel au céleri…).

L’allergie aux Apiacées est très peu fréquente chez le jeune enfant. L’allergie au céleri est l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes dans de nombreux pays européens, tels que la Suisse, l’Allemagne et la France. Par ailleurs, environ 30% des réactions anaphylactiques sévères aux aliments seraient attribuées au céleri, selon l’histoire allergique des patients.

Plusieurs équipes ont travaillé sur les allergènes du céleri. Ils sont au nombre de 5 (de Api g 1 à Api g 5 ou CCD, cross-reactive carbohydrates determinants) ; Api g 1 et Api g 5 sont des allergènes majeurs. L’allergie au céleri est très souvent associée à la sensibilisation au pollen de bouleau et/ou d’armoise. En effet, la personne est d’abord sensibilisée via l’allergène majeur du pollen de bouleau (Bet v 1) dans les régions où cet arbre est commun (Europe centrale) ou via le pollen d’armoise dans le Sud de l’Europe. Il existe un risque d’allergies croisées avec d’autres légumes et épices de la famille des Apiacées. On parle maintenant de syndrome céleri-carotte-armoise-bouleau-épices.

Les patients allergiques au céleri peuvent réagir à des doses très faibles ; les données disponibles montrent que la dose la plus faible est de 0.7 g de céleri cru. Les symptômes peuvent s’étendre d’un syndrome oral relativement léger (démangeaisons au niveau des lèvres, de la gorge et de la langue) à des réactions systémiques (symptômes gastro-intestinaux, essoufflement, toux, urticaire, angio-œdème, rhinite ou conjonctivite), voire même au choc anaphylactique et à d’autres réactions très sévères. Par ailleurs, les réactions consécutives à l’ingestion de céleri sont plus sévères que pour les autres allergies liées au pollen. Le diagnostic de l’allergie commence par l’étude de l’histoire clinique du patient. Le test le plus fiable est le test de provocation, mais pour diverses raisons (durée, coût, risque), il peut être remplacé par des prick tests cutanés et/ou un dosage des IgE spécifiques en fonction de l’histoire clinique.

Actuellement, l’unique traitement de l’allergie au céleri est l’éviction du céleri, mais l’immunothérapie (induction de la tolérance) est à l’étude. Le traitement d’urgence de la réaction anaphylactique consiste en une injection d’épinéphrine.

Les procédés technologiques influencent l’allergénicité du céleri. Les réactions induites chez les patients sensibles sont différentes selon que le céleri est cru, cuit, entier, en poudre ou encore qu’il ait subi des traitements tels que le chauffage au four à micro-ondes, le séchage, les irradiations, les ultra hautes pressions, etc. Les réactions allergiques surviennent la plupart du temps avec le céleri cru. La poudre de céleri semble aussi allergisante que le céleri cru.

 

 

 

L’allergie à la moutarde

La moutarde, utilisée généralement sous sa forme condimentaire, est une épice malheureusement responsable d’allergie. Outre sa forme condimentaire, on peut consommer ses graines, ses feuilles ou en extraire une huile. La moutarde est une substance obligatoire d’étiquetage (reprise dans l’annexe IIIbis de l’A.R. du 13 septembre 1999 relatif à l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées) lorsqu’elle est mise en œuvre dans une denrée alimentaire préemballée, sous n’importe quelle forme. La moutarde fait partie de la famille des Brassicaceae (ex. radis, rutabaga, choux divers, brocoli, navet, cresson, raifort, colza) ; il en existe différentes variétés, cultivées de par le monde, mais 4 prédominent : la moutarde des champs (Sinapis[1] arvensis L.), la moutarde noire (Brassica nigra (L.) W.D.J. Koch), la moutarde blanche (ou jaune) (Sinapis alba L.) et la moutarde brune (Brassica juncea (L.)), les deux plus importantes étant la blanche et la noire.

A l’heure actuelle, 4 allergènes ont été découverts dans la moutarde blanche :

-          Sin a 1, une albumine 2S (protéine de stockage), thermostable, résistant à la digestion par la trypsine et à la dégradation due à d'autres enzymes protéolytiques. Il s’agit d’un allergène majeur ;

-          Sin a 2, une globuline 11S (protéine de stockage), considérée également comme allergène majeur ;

-          Sin a 3, de la famille des nsLTP (Non-Specific Lipid Transfer Protein, protéines de transfert des lipides non spécifiques), thermostable, résistante aux protéases digestives, et

-          Sin a 4, une profiline sensible à la chaleur.

Dans la moutarde brune, l’allergène majeur est Bra j 1, une albumine 2S.

Il semblerait que la matrice lipidique de l’huile pourrait augmenter l’allergénicité de la moutarde.

Il existe de rares réactions croisées entre la moutarde et d’autres Brassicaceae. Il en existe aussi avec les pollens d’armoise. On parle du syndrome moutarde-armoise. Plus de 50% des patients allergiques à la moutarde sont hypersensibles au pollen d’armoise et à des aliments d’origine végétale, principalement les fruits de la famille des Rosacées (pêche…), mais aussi les fruits à coque (dont la noisette), les légumineuses (dont l’arachide) et le maïs. Les allergènes impliqués sont Sin a 3 et Sin a 4.

L’apparition des symptômes peut se faire suite à un contact avec la moutarde ou son ingestion. On peut observer des symptômes cutanés (eczéma, urticaire, œdèmes…) et/ou digestifs (diarrhées…). La moutarde peut aussi être un pneumallergène ; en effet, le pollen de moutarde peut provoquer des symptômes respiratoires (rhinite et asthme bronchique). Un syndrome oral pourra également apparaître en cas d’allergie croisée. Des cas d’anaphylaxie (dont des chocs anaphylactiques) ont été rapportés.

Comme pour tout dépistage d’hypersensibilité allergique, on effectue différents tests (prick tests, dosage d’IgE sériques, TPO) que l’on confronte aux symptômes. Une réévaluation régulière est nécessaire pour éviter un régime d’éviction contraignant et parfois inutile en cas d’acquisition d’une tolérance.



[1] Pour la petite histoire, « Sinapi » est un mot grec signifiant « qui endommage le regard » (Decloquement, F., 2005).

 

 

 

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